La séance au Conseil d’État
Le rapporteur semblait n’être au courant que du dossier de RTE. Ambiance
Depuis le temps que l’on attend et que nos illusions se sont envolées, puisque le Conseil d’État se penche enfin sur nos dossiers, allez, on s’y rend pour y assister séance tenante.
Il y a plus de juges, de greffiers, de rapporteurs et stagiaires derrière un grand comptoir en U jalonné de micros que de places pour le public. Il faut dire que l’on est entre juristes. Même costume, même cravate, mêmes chaussures. Et l’on assiste à un concours étonnant : celui qui parle le plus vite, d’une voix monocorde, messe basse avec pour liturgie des articles chantés de codes en codes. On est là pour la justice, pas pour les justiciables. Sur la vingtaine de chaises pour le public, nous sommes 4 concernés par les dossiers RTE : 2 représentants d’AHD, 2 journalistes (Dauphiné Libéré et Le Monde).
Pas de débats prévus. C’est le fonctionnement du Conseil d’État. Les plaignants (ici AHD, les communes et associations) déposent un dossier dans lequel ils argumentent sur ce qui leur paraît illégal. Les parties adverses (RTE, les ministères) répondent dans un nouveau dossier. Ce dossier est à nouveau soumis aux plaignants qui répondent aux arguments. Ces dossiers font ainsi la navette entre les parties jusqu’à ce que chacun dise qu’il n’a rien à ajouter. Hop, c’est fait, et on attend… on attend… on attend.
4 recours déposés, au nom de l’association AHD, sont à l’ordre du jour.
Le rapporteur se lève, il a fait les grandes écoles. Son rôle : faire la synthèse et proposer aux juges une analyse et un jugement. Il se lance dans une litanie monocorde avec pour objectif de battre le record de vitesse du nombre de mots à la minute. Pas plus impressionné que ça derrière le comptoir. On écoute l’air détaché, mains jointes avec un petit grattage d’oreilles de temps en temps, voire de nez pour les plus téméraires.
Nous, on sent que l’on n’est pas du même monde. Entre 2 rafales d’articles de loi, on essaie de s’accrocher. On n’est pas venu à Paris pour rien, on veut comprendre.
Et là, on comprend vite que si le Conseil d’État a mis 3 ans pour se pencher sur les dossiers, c’est qu’il fallait bien lire. Et notre rapporteur les a bien lus, enfin, les dossiers RTE. Le bougre n’a pas dû avoir le temps de lire nos dossiers, bien qu’il reconnaisse qu’ils sont bien ficelés, parfois mieux que ceux de RTE. Combien de temps supplémentaire lui aurait-il fallu pour éplucher avec la même attention les nôtres ? 3 ans ? Car il n’enfile pas que des articles de lois, mais des perles de la taille des pylônes.
Ainsi, on apprend de ce jeune homme que les pylônes que nous balancent les hélicoptères ont un esthétisme et que cela donne « un impact visuel amélioré ». Est-il déjà venu dans nos montagnes ? A-t-il appris où sont les Hautes-Alpes ? En connaît-il seulement feuilleton-carte-postale Hugo où l’on cache ces verrues ?
RTE a-t-il exagéré les besoins futurs en électricité ? Balivernes. Les effets de la COP 21 ne se feront sentir qu’a la marge. Pas de quoi fouetter un pylône. Du fait que les Hautes-Alpes s’engagent à devenir autosuffisants, des territoires TEPOS, pas un mot. Il est vrai que RTE n’en fait pas mention. Ce jeune homme n’a même pas eu le temps de lire en 3 ans les publications nationales où RTE publie que l’on a abordé une baisse durable de la consommation électrique.
Le projet alternatif d’enfouissement serait fauteur de nuisances. Et on apprend (peut-être RTE l’apprend-il aussi) qu’en fait, l’enfouissement, ce n’est pas fiable. Bigre ! Il y a les secousses sismiques, glissements de terrain… Des pylônes sont surement insensibles à tout cela, surtout quand ils sont plantés en zones rouges, avec en prime risque d’avalanche. Sans parler du feu qui l’an passé a sévi tout près du tracé. Car ce jeune techno qui parle le RTE couramment ne s’est pas aperçu que le tracé de l’enfouissement que nous proposions, ne singe pas le tracé aérien, mais reste dans la vallée. Et si RTE ne s’est pas penché sur les contre-propositions, pas grave : On ne demande pas à RTE de produire le meilleur dossier, mais un « bon » dossier. Et « une intention cachée de connexion avec l’Italie ne semble pas de nature à reconsidérer le projet ». On consulte le bon peuple sur un projet, qu’importe qu’il soit contre. De toute façon on le fera, et même toute autre chose s’il le faut en cadeau.
Allez, on vous rassure : il y a 5% de chance que les juges ne suivent pas ce jeune pylophile et fassent preuve de sagesse. De toute façon pas d’appel possible
En savoir plus
Le Conseil d’État examine enfin nos recours
Hautes-Alpes, lauréat des Territoires à Énergies POSitives
RTE évoque une tendance de fond : la consommation électrique baisse