Les Pyrénées, le Verdon et la Maurienne ont imposé l’enfouissement à RTE. Et les Hautes-Alpes ?
Pourquoi ces territoires ont-ils obtenu l’enfouissement des lignes THT ? Pourquoi leur lutte a-t-elle été payante ? Tentative de réponses.
30 ans de luttes dans le Verdon
« Gorges du Verdon : le Conseil d’État enterre le projet de ligne haute tension » annonce Le Monde du 10 juillet 2006. « Le projet prévoyait une ligne de 400 000 volts, entre Boutre (Var) et Broc-Carros (Alpes-Maritimes), traversant le site du Verdon en deux endroits. Il devait se substituer à deux lignes aériennes parallèles, l’une de 225 000 volts, l’autre de 150 000 volts. »
Libération précise : « Le Réseau de transport électrique (RTE, filiale d’EDF) a donc finalement accepté en 2008, après trente ans de bataille, de passer d’une ligne de 400 000 volts à une de 225 000, et surtout, d’enfouir la ligne, ce que proposaient les associations écologistes depuis plusieurs années. RTE s’engage ainsi à ne pas toucher aux Gorges du Verdon ».
Une ligne à très haute tension sous les Pyrénées titre L’Usine Nouvelle du 18 février 2015
France bleu Roussillon retrace l’historique : «Une THT dont les Catalans ont obtenu l’enfouissement de haute lutte. Côté technique, les caractéristiques de cette ligne sont impressionnantes » Des Catalans mobilisés : « l’enterrement de la ligne a été obtenu après six ans de combats, avec en point d’orgue le 1er mars 2008. Ce jour-là, 15.000 personnes manifestent à Perpignan : associations, élus de tous bords, Catalans du nord et du sud réunis. Pour les opposants, pas question de balafrer la montagne. On parle du Vallespir, des Albères… le combat dure depuis le début des années 2000 »
La Maurienne a obtenu l’enfouissement de sa nouvelle ligne
Dans son numéro du 6 décembre 2016, le Dauphiné Libéré consacre un dossier sur le combat contre la THT qui n’en finit pas. Le journal prend l’exemple de la Maurienne qui actuellement enfouit des lignes vers l’Italie : « La Maurienne et le Val-Gelon se sont battus bec et ongles ». Un combat « largement relayé par les élus locaux : interpellation publique du gouvernement par Michel Barnier alors sénateur ; interventions répétées de Louis Besson, député-maire de Chambéry (…) Droite et gauche étaient unies dans un même objectif ».
Et les Hautes-Alpes ?
Pourquoi RTE arrive à imposer ces lignes qui défigurent également des territoires vivant essentiellement du tourisme ?
Est-ce une question de coût ?
Le débat est technique.Le prix de l’enfouissement dépend de la tension utilisée, du matériau et diamètre des câbles en fonction de la puissance à transporter, et de l’emprise nécessaire dans le sol (largeur et profondeur). L’isolation des câbles n’en est plus la partie la plus coûteuse depuis l’ère du plastique. D’ailleurs tous les câbles 63000V qu’enfouit RTE sont valables pour 90000V!
Pour 2 lignes à 225kV comme le prévoit RTE il faudrait aussi des postes spéciaux dits « de compensation d’énergie réactive ». Pour l’emprise de la ligne enfouie dans le sol avec 2 circuits 225kV : voir le petit schéma (source RTE).
Mais l’on sait maintenant que loin de la surenchère de RTE, 2 lignes souterraines à 90.000V occupant environ 1m de large dans le sol suffisent, pour un coût égal ou inférieur aux lignes aériennes que RTE (im)pose actuellement.
Mobilisation et implication des élus
Les médias le soulignent : 15.000 personnes manifestant à Perpignan (on ne rigole pas avec les Catalans). Mobilisation générale des élus de tous bords. La mobilisation de Michel Barnier est exemplaire, comme le précise sa bio : « Attentif au défi écologique, Michel Barnier engage dès 1986 une politique volontariste et globale de protection de l’environnement en Savoie. »
Et des Hauts-Alpins de se désoler : « Ici les politiques n’ont aucun charisme ! ». C’est un sentiment partagé par les opposants à la ligne THT : ils préfèrent les taxes pylônes à la préservation d’un environnement qui est également source de richesse économique avec le tourisme.
Pourtant 98% d’oppositions à la ligne aérienne lors de l’enquête d’utilité publique. 5. 000 signatures sur les dernières pétitions entièrement hauts-alpines (10% de la population en âge de pétitionner) ce qui équivaudrait, ramené à une pétition nationale à 2.500.000 signataires.
De plus, cette vision à court terme (de la plupart de nos élus) a permis à RTE de détruire par dérogation des dizaines d’espèces protégées, emblématiques, de la Haute Durance (oiseaux, flore, insectes, mammifères, reptiles, amphibiens).
Alors, avons-nous les politiques que nous méritons ? Avons-nous les paysages que nous méritons ?
En savoir plus :
Article du Monde du 10 juillet 2016 : Gorges du Verdon : le Conseil d’Etat enterre le projet de ligne haute tension
Article de Libération du 1er décembre 2008 : Environnement : la ligne haute tension du Verdon se fera… sous terre
Article de l’Usine nouvelle du 18 février 2015 : Une ligne à très haute tension sous les Pyrénées
Article du Dauphiné Libéré du 6 décembre 2016 : Histoire du pot de terre contre le pylône d’acier
Article du Dauphiné Libéré du 6 décembre 2016 : La Maurienne a obtenu l’enfouissement de sa nouvelle ligne
Biographie de Michel Barnier : https://fr.wikipedia.org/wiki/Michel_Barnier
Les espèces protégées que RTE peut détruire par dérogation : http://avenirhautedurance.fr/2016/06/17/passons-le-projet-rte-a-lecoloscopie/