Coupures de courant : la menace fantôme, épisode 2
A nouveau, RTE effraye la population avec des menaces de coupures de courant. La firme a-t-elle suffisamment anticipé le vieillissement des lignes et la contestation de la population ?
Dans un article du Dauphiné libéré*, Monsieur Jean- Philippe Bonnet, délégué régional de RTE Méditerranée, évoque la possibilité d’une « panne technique qui pourrait nous conduire à limiter la consommation. On n’a pas assez de lignes pour avoir des bouclages suffisants », et conclut : « on ne peut pas rester dans la situation actuelle (…) il faut aller au bout ».
Cet épouvantail de la coupure de courant est agité par RTE depuis 2009 pour faire accepter son projet. Selon leurs dires, nous risquions d’ailleurs de subir des coupures dès 2016, mais nous n’en n’avons toujours pas vu la queue d’une, malgré un hiver 2017-2018 particulièrement rigoureux.
Il n’a de toute façon jamais été question pour RTE d’achever son chantier de « rénovation » à l’automne 2018, et même sans la « brève » interruption due à la décision du tribunal administratif de Marseille, le réseau aurait été cet hiver à peu près dans l’état où il est actuellement : avec des parties anciennes et d’autres rénovées.
RTE, entreprise publique qui détient le monopole de la distribution d’électricité en France, a une obligation de service public, suite au contrat signé avec l’Etat en 2005*.
Elle s’est donc certainement assurée qu’en tout moment du chantier, le réseau était à même de répondre à la demande haut-alpine. Tant qu’une portion n’est pas terminée, elle n’est pas raccordée, tant qu’elle n’est pas raccordée, ce sont les anciennes lignes qui le sont : nous ne croyons pas en ces fameuses coupures, car nous faisons confiance à RTE pour respecter son contrat avec l’Etat !
Depuis le début de cette affaire, RTE utilise tous les soutiens et tous les moyens, notamment financiers, pour faire aboutir son projet de lignes aériennes. Soutien de l’administration (préfecture, contrôles de police, …) ; soutiens politiques (élus de tous bords, chambres consulaires, …), entreprises et associations (pressions amicales et compensations financières de tous ordres).
Dans ce contexte, la décision du tribunal administratif du 8 août, pourrait donc sembler incompréhensible, voire irrationnelle.
Mais le tribunal de Marseille est bien sûr légitime, et il affirme qu’un certain volet du dossier environnemental est insuffisant (il affirme du même coup que le volet environnement est important). Par contrecoup, c’est tout l’échéancier imposé par RTE qui est ébranlé.
Le chantier est à l’arrêt parce que RTE n’a pas été assez rigoureux dans son analyse des conséquences des travaux et dans sa stratégie globale de rénovation.
A écouter RTE, on a l’impression que seule l’expertise technique devrait présider à la prise de décision. Il n’en est rien, la loi impose de prendre quelques précautions vis-à-vis de l’environnement, entre autres, et on ne comprend pas pourquoi il ne faudrait pas discuter des alternatives, surtout quand la loi le réclame.
A chaque nouveau projet (Verdon, Savoie, Nord, Cotentin, Ardèche,…), RTE fait preuve de la même intransigeance face aux contre-propositions, initiant du coup une guérilla judiciaire systématique, peu satisfaisante pour tous, mais parfaitement prévisible.
Si RTE avait opté pour l’enfouissement dès le départ, il n’y aurait pas eu d’actions devant les tribunaux et pas (ou peu) de contestation; le chantier serait fini et le réseau sécurisé depuis longtemps !
Quand l’entreprise RTE reconnaitra-t-elle la légitimité et le sérieux des associations citoyennes comme AHD – qui portent justement le souci exprimé par le législateur ?
Quand reconnaitra-t-elle le bien fondé des précautions imposées par la loi vis-à-vis de l’environnement ?
Quand comprendra-t-elle que la concertation est le meilleur moyen de faire aboutir ses projets ?
Aujourd’hui, le résultat est là : refuser le débat sur les alternatives est une faute de la part du maitre d’œuvre, refuser d’entendre les demandes citoyennes est une preuve d’incompétence. Il est vraiment temps que RTE sorte de cette attitude arrogante et paternaliste – et au bout du compte contre-productive – digne d’un autre âge.
En savoir plus :
*Voir le contrat de service public : http://www.gestasso.com/clients/www6516/images/documents/gestion-du-reseau.pdf
* Article du DL : https://c.ledauphine.com/hautes-alpes/2018/10/04/lignes-tht-le-chantier-va-reprendre-partiemment (dossier complet dans l’édition du 04/10/2018)
bravo!! et merci de votre compétence et votre ténacité!!
merci encore à Avenir Haute Durance!!
J’estime encore une fois que nous sommes dirigés par des guignols !! Et il n’y a que le business qui compte …
N’empêche que les forêts au dessus d’Embrun et Chorges sont défigurées à jamais.