Juridique : AHD perd son recours sur le défrichement (explications)
Ce 8 août 2018, la Justice a enfin rendu son verdict concernant les deux derniers recours qu’Avenir Haute Durance avait déposé il y a… deux ans et demi.
Ils concernaient les deux arrêtés préfectoraux autorisant le défrichement sous les pylônes, et la destruction potentielle d’espèces protégées durant les travaux.
Concernant le défrichement, le principal débat consistait à définir si les coupes d’arbres sous les lignes THT relevaient du défrichement ou du déboisement.
D’un point de vue administratif et juridique, le défrichement consiste en une coupe d’arbres, parfois accompagnée d’un dessouchage, qui met fin à l’état boisé d’une parcelle. Les arbres ne repoussent pas et la parcelle est souvent utilisée à d’autres fins : bâtiment, route, cultures, etc.
Le déboisement consiste en une coupe d’arbres, qu’on laisse ensuite repousser, et la parcelle redevient une forêt au bout de quelques années. Exemple : coupe à blanc dans une forêt pour l’exploitation forestière.
RTE explique que sous les pylônes, les emplacements sont défrichés car les arbres sont arrachés et ne repoussent pas. Par contre, RTE affirme que sous les câbles, entre les pylônes, les parcelles conservent leur état boisé.
Pour Avenir Haute Durance, ce raisonnement est faux. Les zones situées sous les lignes électriques sont constamment débroussaillées (tous les trois ans environ), et la forêt n’y reprend pas ses droits. RTE se vante même d’y planter des arbustes dans le cadre du programme européen « Life », ce qui confirme le fait que la forêt disparait, au mieux remplacée par un simple maquis.
De surcroit, en Haute-Durance, la plupart des arbres abattus sont des conifères (pins, mélèzes,…), or un conifère coupé ne repousse pas, contrairement aux feuillus qui font des rejets depuis la souche.
Enfin, il y a défrichement dès que les terrains perdent leur valeur de production de bois de qualité, ce qui est le cas sous les lignes, et ce pendant les 80 ans environ de durée de vie de l’ouvrage !
AHD a fourni au tribunal un certain nombre de photos aériennes de lignes existantes dans le 05, qui montrent que sous les lignes, la forêt ne reprend pas ses droits :
Notre avocat a ajouté à cela d’autres arguments, parmi lesquels :
– le Préfet n’a pas tenu compte des risques naturels auxquels les sites sont exposés, plusieurs secteurs se situant en zone rouge des plans de prévention des risques.
– Il n’aurait dû délivrer qu’une seule autorisation de défrichement pour l’ensemble des lignes P1, P2, P3, P4, P5 et P6, afin d’examiner l’impact cumulé des différents projets.
– L’arrêté préfectoral a été adopté au terme d’une procédure irrégulière car l’enquête publique ne comportait pas le plan des pistes d’accès au chantier, lesquelles ne sont d’ailleurs pas mentionnées dans l’autorisation de défrichement.
→Pourquoi RTE refuse-t-elle de considérer les coupes sous les lignes électriques comme du défrichement ?
Notamment parce qu’au-delà de 10 hectares, le défrichement nécessite une enquête publique. C’est une procédure lourde, coûteuse, et RTE ne souhaite probablement pas s’exposer à un nouveau camouflet de la part de la population locale (lors de la première enquête publique de 2013, 98 % des 2161 habitants qui s’étaient exprimés s’étaient opposés au projet de lignes aériennes).
Au final, le Tribunal Administratif de Marseille nous a débouté en affirmant notamment que :
– « Les coupes d’arbres effectuées dans les zones situées sous le linéaire des lignes électriques ne privent pas définitivement les terrains en cause de leur destination forestière (…) ; le peuplement forestier pourra se reconstituer naturellement ou artificiellement sous les lignes, une fois les travaux achevés, dans la limite des distances de sécurité minimales entre les arbres et les fils ».
– De plus ; « le législateur a expressément manifesté sa volonté de soumettre à une procédure d’autorisation préalable les seuls défrichements nécessaires à l’implantation des pylônes électriques réalisés en application d’une servitude d’utilité publique, et non les coupes nécessaires aux emprises de passage des lignes supportées par ces pylônes » (ce qui signifie que la loi impose une autorisation de défrichement pour implanter les pylônes (servitude d’utilité publique), mais pas pour les coupes (déboisement) nécessaires au passage des câbles).
– Enfin, « le préfet des Hautes-Alpes et la société RTE font valoir que les pistes d’accès aux pylônes nécessaires à la réalisation des travaux constituent des pistes provisoires qui doivent être fermées et remises en état à l’issue des travaux, dans un délai de cinq ans à compter de la date de début de la coupe ». (Le problème est que plusieurs propriétaires terriens et plusieurs maires de communes ont fait des demandes pour que les pistes restes en état – ceci était d’ailleurs proposé par RTE lors de ses démarchages auprès des propriétaires).
AHD étudie actuellement la possibilité de faire appel de cette décision.
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